Conférence de presse d’Emmanuel Macron: salauds de journalistes!

Quelle épreuve ! Un Grand Oral devant 300 plumitifs revanchards, qu’il n’aime pas. Le chef de l’Etat saura-t-il les amadouer? Début d’une lune de miel ou de fiel ?

On imagine sa souffrance. Trois cent journalistes entassés dans la salle des fêtes de l’Elysée, trépignant comme des bacheliers le jour de l’examen, fiévreux et déterminés, ruminant leur vengeance, serrant rageusement leurs calepins entre leurs mains, prêts à dégainer la question fatale, celle qui visera au cœur. Emmanuel Macron a dû ravaler son dédain et son mépris pour organiser cette conférence de presse de « sortie de crise ». Ou de la dernière chance ? Quel renoncement !

Inviter cette armée de pisse-copies, de jean-foutre à la plume frivole et désenchantée, au risque d’être cloué au pilori par des moins que rien qui n’ont lu ni Kant ni Schopenhauer, le philosophe qui apprend l’art d’avoir toujours raison ; cela confine à de l’auto-flagellation.

Depuis le début de son quinquennat, en effet, notre Président n’a cessé de vitupérer ces traqueurs de vérité à la petite semaine, toujours prêts à fouiller les poubelles, sans jamais prendre de la hauteur, pour se hisser… à la sienne.

Tous ces détectives du dimanche, mi-mondains, mi-inquisiteurs, collés aux basques d’Alexandre Benalla, comme s’il était un criminel de guerre, refusant de reconnaître le génie du maître des horloges, théoricien de la « transformation », le réparateur en chef d’un pays perclus de rhumatismes. Ces gratte-papiers cherchant à comprendre le fouillis de décisions disparates, osant s’interroger sur le sens des mesures fiscales engagées, n’y voyant qu’un maquis de plus dans la forêt de nos prélèvements obligatoires.

Quel toupet !

Exemple ? Une des dernières idées avancées par les chantres de la Macronie : faire travailler un jour férié gratuitement pour financer les résidences de nos aînés, sans passer par l’impôt. Simple comme bonjour ? Evidemment, non. Peut-on poser la question au chef de l’Etat, sans le vexer ni l’agacer, bien sûr : travailler gratuitement, cher président, ne serait-ce pas un impôt déguisé, un faux-nez fiscal ? Je sais, je sens que je vais irriter en haut lieu, qu’on va me suggérer de traverser la rue pour suivre une formation accélérée d’économie sociale. D’autres impétrants pourraient l’interroger sur sa stratégie pour le contrôle de l’audiovisuel, déjà en place, pour la campagne électorale de 2022.

Comment, le Président voudrait placer ses amis à des postes clés dans les chaînes d’info ? Quel toupet ! Les insolents seront renvoyés dans les cordes, traités de « complotistes» à la solde de Poutine ou de Mélenchon. D’autres, encore, lui demanderont pour combien de temps il compte faire tenir cet étrange et brinquebalant attelage gouvernemental constitué d’ex-juppéistes et d’anciens socialistes, lequel pourrait bien finir dans les décors. Ou bien quelle est sa conception de l’utilité d’un grand parti démocratique qui serait autre chose qu’une start-up électorale, un simple marchepied au service d’une ambition personnelle?

Quelques députés LREM s’interrogent presque publiquement et n’ont toujours pas de réponse de leur chef. A quoi sert LREM ? Ou plutôt à qui ? Bon sang, quelle question idiote ! Ces journaleux de l’Ancien Monde n’ont donc rien compris ? LREM a travaillé au service du Grand Débat National, a multiplié les interventions sur le terrain, œuvrant tant bien que mal à la vie citoyenne. C’est vrai, mais au service exclusif d’un seul homme et pas d’une doctrine ou d’un humanisme nés dans les combats quotidiens depuis des décennies.

« Soyez précis, monsieur »

Question au chef de l’Etat : serait-ce une forme de bonapartisme ? On voit l’insolent au fond de la salle, penaud, espérer une réponse de fond, solide, argumentée. Il aura sans doute droit à une soufflante.

Comment osez-vous caricaturer mon action ?

De quelle publication vous vous réclamez ?

De quel Bonaparte parlez-vous, Napoléon ou Louis ?

Soyez précis, monsieur. C’est bien le drame avec ces plumitifs au trait simplificateur, toujours prompts à ne pas voir la complexité du monde. Heureusement, en deux heures chrono, le Président va les remettre à leur place. Il leur expliquera pourquoi il veut supprimer l’ENA, sans vraiment la supprimer, pourquoi il va baisser les impôts sans vraiment les baisser, pourquoi il veut sauver l’Europe de l’extrême droite, tout en défendant mordicus la tête de liste LREM, Nathalie Loiseau, ex-directrice de l’ENA et ancienne candidate sur une liste « facho » à Sciences-Po Paris. Non, décidément, les journalistes ont une mentalité de chercheurs de poux dans la tête. Ils ne changeront donc jamais ?

Serge Raffy de l’OBS France

kmayoo@kmayoo.com

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