Du Mitard Au Caviar : Les Leçons d’une Élection
La Coalition Diomaye président a fait une véritable razzia lors de cette élection présidentielle permettant ainsi aux leaders de l’opposition radicale de passer du mitard au caviar, de la cellule exiguë de la prison aux lambris dorés du palais de la République. Cerise sur le gâteau, ce 25 mars étant aussi l’anniversaire du nouveau président élu.
C’était en réalité un référendum dont Amadou BA n’était que la victime collatérale : Pour ou Contre Macky Sall dont le bilan immatériel fait d’assassinats, d’enlèvements, de détournements, de tortures, d’impunité, de chasse à l’adversaire politique, d’emprisonnements arbitraires qui se transforma plus qu’en référendum mais plutôt en Mackyrendum.
Le second enseignement de cette élection est l’effondrement de la vieille pratique politique avec le renvoi sans ménagement de Idrissa Seck et Khalifa Ababacar Sall à la retraite définitive. L’un comme l’autre, faut-il le rappeler était déjà ministre au siècle dernier. Ils étaient membres du gouvernement de majorité élargie de Habib Thiam sous le magistère de Abdou Diouf.
Réputé calme et poli, Khalifa Sall a été victime de son manque de lucidité. Il était la conscience de Yewwi askan wi qui l’a donné une nouvelle existence après son passage à la case prison pour détournements de deniers publics. Au lieu de prolonger le compagnonnage gagnant, il s’est lancé dans la campagne de trop, lui qui était déjà élu en 1988.
Idrissa Seck, allié de Macky Sall jusqu’à la dernière heure, il paie cash son manque de sincérité, son oisiveté et sa tortuosité. Pétri de talents et d’expériences, il a vendangé son destin se voyant déjà dans le fauteuil en croyant naïvement qu’il est né pour être Président et que son talent oratoire issu de son ADN griot lui suffirait de berner l’électorat sénégalais.
La descente aux enfers est incontestable : 2ème avec 14.93 % en 2007, puis 2ème encore avec 20,50 % en 2019, il dégringole piteusement à la 6ème place avec 1% ce dimanche 2024, derrière le PUR, un candidat vivant en Suisse et Aly Ngouille N’diaye, l’un des mal-aimés du Macky.
Idrissa Seck a touché le fond, il est dans le trou, il n’est plus qu’un vestige politique, il ne doit en vouloir qu’à lui-même. C’est une première dans l’histoire : une élection sans « faiseur de roi », le 3ème homme qui est habituellement assidûment courtisé pour obtenir son soutien décisif. Cette fois ci, ce troisième homme était déjà dans la mêlée, c’est Sonko ! Il a fait basculer la balance du côté de Diomaye Faye. Khalifa Ababacar Sall n’obtenant que 3 % des suffrages suivi du PUR avec 2 %, le terrible face à face.
Macky-Sonko par procuration tourne à l’étourdissement et à l’humiliation pour Amadou BA et Macky Sall. En réalité, quel que soit le candidat de Benno y compris Macky Sall, face à n’importe quel candidat de Pastef désigné par Sonko serait laminé par les wagues de tsunami qui ont emporté tout sur son passage tel un ouragan en colère.
Excepté, Amadou BA, aucun des 17 autres candidats ne pourra récupérer sa caution, ils sont tous en dessous de 5% des suffrages. Le nouveau président dans sa refondation des institutions de la République doit resserrer les conditions de candidater aux élections majeures pour éviter ces candidatures fantaisistes incapables d’obtenir 5% des suffrages.
Le Sénégal ne peut se payer le luxe d’une élection avec des dizaines de candidats dont seuls 2 ou 3 seulement sont susceptibles d’obtenir 5 %. Un autre enseignement de ce scrutin est que le Président élu a les coudées franches, il n’a pas eu besoin de négocier des alliances entre-deux-tours pour assurer sa victoire. Il n’a pas de dette politique vis-à-vis d’un parti autre que Pastef.
C’est pourquoi les chantiers prioritaires doivent porter sur :
– La réhabilitation de l’Etat de droit en rendant justice à toutes les victimes de la barbarie subie entre 2021 à 2024 en révoquant la récente loi d’amnistie très opportune et inique. Il y a une obligation de vérité et de justice afin que les familles endeuillées puissent faire le deuil de leurs proches et offrir une sépulture aux disparus comme Fulbert Sambou et Didier Badji.
Pour marquer les esprits par la volonté de rupture et de moralisation de la vie publique, il faudra rapidement élucider la question des scandales financiers comme les 28 milliards du PRODAC avec Mame Mbaye Niang, les 700 milliards du fond Covid de Mansour Faye, les 94 milliards de Mamour Diallo pour ne citer que ceux-ci.
Faire passer la justice avant toute réconciliation, ce qui n’est pas une chasse aux sorcières. L’erreur des nouveaux maîtres du pays serait de faire table rase des assassinats au nom de la réconciliation nationale. Je serai de ceux qui refuseront cette éventualité.
– La 2ème mesure consistera à dissoudre après l’installation du nouveau gouvernement, l’Assemblée nationale et toutes les institutions électives budgétivores comme le Haut Conseil des Collectivités et le Conseil Économique social et environnemental. Le nouveau président de la République doit gouverner par ordonnances jusqu’à l’élection des nouveaux députés vers le 15 décembre 2024.
La loi permet cette gouvernance par ordonnance pour cette période transitoire de 8 mois. Il faut une nouvelle assemblée nationale élue avant la fin de l’année afin d’ajuster la durée du mandat présidentielle de 5 ans sur celle des députés pour une cohérence démocratique.
– Enfin la 3ème priorité doit être la lutte contre le chômage endémique afin de marquer un coup d’arrêt aux suicides collectifs des jeunes et des familles entières dans leurs tentatives de rejoindre les rives de la méditerranée.
Voilà à mon humble avis le programme des cents premiers jours du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye . Les électeurs ont plébiscité le changement, les défis étant nombreux, nous devons tous, de la diaspora comme de l’intérieur apporter notre concours chacun en ses grades et qualités ou selon ses compétences.
Notre pays le mérite, le peuple le souhaite.
Dramane Keita
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