SAMBANGALOU EXCELLENCE: DISCOURS D’USAGE
lundi, 12 juin 2017 13:06
SEPTIЀME ÉDITION SAMBANGALOU EXCELLENCE
THЀME DU DISCOURS D’USAGE : « VIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE »
Monsieur le Gouverneur,
Messieurs les préfets,
Honorables députés,
Messieurs les présidents de conseils départementaux,
Messieurs les Maires,
Monsieur l’Inspecteur d’Académie,
Messieurs les chefs de service régionaux et départementaux,
Messieurs les Inspecteurs de l’Education et de la Formation,
Messieurs les représentants des structures partenaires,
Messieurs les chefs d’établissements,
Chers collègues,
Chers parents,
Chers lauréats,
Honorables invités,
Mesdames, Messieurs.
En commémorant l’excellence en ce jour mémorable, parce que riche en émotions, l’Inspecteur d’Académie manifeste à l’endroit de nos élèves, encore une fois, ce vœu qui lui est très cher : l’éducation de qualité et l’éducation pour la paix. Le Sambangalou excellence, qui est à sa septième édition, est devenu une tradition. Si lors des éditions précédentes, des thèmes riches et variés ont été développés par d’éminentes personnalités, celui de la sixième édition intitulé ‘Jeunesse et culture d’excellence’ n’a pas failli à la tradition, d’autant plus qu’il a trait au travail qui nous préoccupe, à savoir créer pour nos élèves un environnement positif, un cadre propice qui favorise l’éclosion de talents. La septième édition que j’ai l’honneur de présenter a pour thème ‘Violences en milieu scolaire’’, un thème qui convoque dans ses contours des réalités dont l’analyse nous impose de suivre une certaine méthodologie.
Tout d’abord, cette méthodologie a consisté à nous pencher sur le concept en l’analysant par rapport à l’environnement (familial et scolaire surtout), parce qu’il motive nos objectifs et conditionne nos attentes.
Sans nier l’importance des études menées par les Etats ou les ONG, PLAN, sur la base des données recueillies par l’ONU comme institution internationale, estime qu’au moins 246 millions de garçons et de filles, soit 20 % de la population mondiale d’élèves, souffrent de violences. Mais le mot, tel qu’il apparaît dans ce sondage, véhicule des réalités qui pourraient, nous le pensons, se présenter à l’esprit d’une manière confuse. Pour permettre aux uns et autres de comprendre la problématique qu’il mobilise, il a paru nécessaire de s’arrêter sur le concept.
« La violence, nous dit-on dans le Dictionnaire Larousse, est la contrainte physique ou morale, exercée sur une personne en vue de l’inciter à réaliser un acte déterminé ». A cette définition, manifestement large, nous proposons celle, plus spécifique, qu’en donne l’Organisation mondiale de la Santé, qui considère la violence comme « La menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal développement ou des privations ». En effet, des enquêtes démographiques et sanitaires dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest et du centre révèlent que les enfants, victimes de comportements agressifs au sein de leur foyer, sont davantage susceptibles de reproduire de tels actes ou de les subir.
C’est dire que la violence s’exerce dans les différentes sphères de la société, et les formes qui sont les siennes ont leur reflet dans le climat scolaire. Autrement dit, la violence à l’école ne peut se comprendre indépendamment de tout ce qui est violence non seulement dans la société, mais aussi dans les familles où évoluent les enfants que nous recevons dans nos écoles.
En fait, l’école est un microcosme dans lequel sont reflétées les hiérarchies sociales, les luttes de pouvoirs, les pratiques sociales, les préjugés et discriminations fondées entre autres sur le sexe, l’appartenance sociale ou ethnique. Elle se présente donc à la fois comme un miroir de la société, comme la matrice de nos sociétés modernes. Aussi les acteurs concernés doivent-ils prendre conscience des causes et des conséquences des violences en milieu scolaire pour définir des comportements à adopter en termes d’éducation et de formation de nos élèves.
Monsieur le Gouverneur,
Monsieur l’Inspecteur d’Académie !
La violence en milieu scolaire est un fléau qui est très récurrent dans les pays en voie de développement. Celle-ci, constituant un obstacle dans la réalisation des politiques nationales et internationales, trouve son enracinement dans la pauvreté. Nous la considérons comme la première cause des violences scolaires, car elle est transversale aux aspects sociologiques, économiques et environnementaux. Elle est un déterminant fort sur les autres causes, qu’elles soient endogènes ou exogènes.
Les causes endogènes sont celles dont l’origine se trouve dans l’école elle-même. Elles sont, dans leur récurrence, relatives aux problèmes d’eau, de salles de classes, d’éclairage, de toilettes mixtes parfois sans verrous, aux problèmes des infrastructures et aux mauvaises conditions de travail dont se plaignent souvent aussi bien les enseignants que les élèves, donc à autant de réalités qui sont, à différents niveaux, source de violences.
Notons également que les pays en voie de développement souffrent d’une carence en personnel éducatif. Les classes sont surchargées et les enseignants doivent souvent composer avec certaines réalités, du fait essentiellement des ressources limitées des familles et de l’Etat. Tous ces manquements ne sont pas sans avoir des rapports avec les brimades, les intimidations et les châtiments corporels qui sont, au niveau des écoles, les formes de violences les plus courantes. Les violences psychologiques et morales sont le fait aussi bien des enseignants que des élèves, particulièrement les garçons, car elles interviennent dans une relation de domination construite sur la base d’une inégalité ou d’une différence physique, de sexe, d’origine sociale, ethnique ou religieuse. Les enquêtes menées en Chine et en Zambie révèlent que respectivement un cinquième et deux tiers des enfants disent avoir été victimes d’intimidation verbale ou physique entre 2003 et 2012. Pour dire que des millions d’enfants non seulement sont en situation d’insécurité à l’école, mais aussi vivent quotidiennement dans la peur.
Le châtiment corporel est la forme la plus répandue et la plus banalisée des violences physiques que subissent les enfants dans leurs établissements scolaires (plus de 80 % des élèves sont exposés selon certains sondages). En 2008, ce taux, pour des élèves victimes de violences physiques à l’école, a été de près de 60 % dans certains pays. C’est une pratique qui est souvent légitimée par les enseignants. C’est le cas de cet enseignant d’une école primaire : « j’utilise, affirme-t-il, un bâton pendant le cours et je constate que ça aide les enfants à écouter ; ils restent bien éveillés ». Mais c’est une pratique qui est remise en cause par d’autres, comme cet enseignant togolais, qui, à la suite d’une formation organisée en la matière par une ONG, déclare : « je viens juste de comprendre que les châtiments corporels sont une violence contre les enfants et que nous pouvons trouver d’autres moyens de les discipliner … ».
A cette forme de violence, il faut ajouter les violences sexuelles qui, à travers le harcèlement, les allusions sexuellement explicites, donc les abus sexuels, sont effectivement des réalités à l’intérieur comme à l’extérieur de l’école. Endogènes et exogènes, leurs causes sont essentiellement d’ordre socioculturel, économique et politique.
Ce qui invite, aujourd’hui plus qu’hier, la société, précisément la famille, à plus de responsabilité. Comme premier lieu de la socialisation de l’enfant, la famille joue un rôle primordial dans la transmission des représentations sociales, pour ne pas dire tout simplement que c’est elle qui détermine par l’éducation les rôles que sont appelés à jouer dans la société la fille et le garçon.
Dans les sociétés patriarcales, – c’est le cas en Afrique de l’Ouest et en Asie du Sud -, la domination masculine et la soumission féminine sont vécues comme normes sociales, mais des normes – il faut le relever – qui ne sont pas sans justifier pendant longtemps la faible scolarisation des filles et le déficit d’égards dont elles sont souvent l’objet de la part non seulement des parents, mais aussi des enseignants. Donc autant de situations qui font d’elles des victimes de violence, précisément des victimes qui voient dans le milieu scolaire un cadre qui aide certains (élèves ou enseignants) à abuser de leur dignité.
Face à ces violences, des politiques internationales et nationales, allant dans le sens du respect strict de la discipline scolaire, de la dignité de l’enfant en tant qu’être humain, peinent à être appliquées. La Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE, 1989) exige que les Etats parties prennent toutes les mesures nécessaires pour protéger l’enfant des mauvais traitements « pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié ».
Compte tenu de ces remarques, il convient de reconnaître que la violence, quelles que soient ses causes, a des effets considérables sur le milieu scolaire.
Monsieur le Gouverneur,
Monsieur l’Inspecteur d’Académie !
Les conséquences des violences sont multiples sur le court et le long terme pour les élèves qui en sont victimes, pour leur famille, leur communauté d’une manière générale. Elles ont des répercussions – nous l’avons déjà souligné – non seulement sur la santé et la scolarisation des enfants, mais aussi sur le développement socioéconomique des individus, des sociétés et des pays. En ce qui concerne la santé physique et mentale, les viols perpétrés contre les filles entraînent des traumatismes psychologiques importants, ainsi que des grossesses non désirées qui compromettent sérieusement leur formation, leur réussite, pour ne pas tout simplement dire qu’ils favorisent leur échec scolaire. Les preuves ne manquent pas, comme dans ce témoignage d’une élève, victime de viol : « je me sens très mal, dit-elle, je suis très déçue. Je pleure tout le temps, je n’ai plus d’appétit, je n’arrive plus à me concentrer à l’école … J’ai été à deux doigts d’une décision de me suicider. » Devant cette situation, l’élève, stressée, éprouve la peur d’aller à l’école. Ce qui peut affecter la qualité de son travail, l’amener à ne plus s’intéresser aux études, à éprouver des difficultés à se concentrer, à s’abstenir de participer en classe, à développer des troubles divers, à perdre l’estime de soi, à ressentir de la honte, à développer des comportements inattendus comme la fatigue, le manque de concentration, l’absentéisme, en un mot à souffrir d’anxiété, à vivre dans l’angoisse et à finir par détester l’école.
Ce sont là des situations regrettables qui ne favorisent pas l’épanouissement des élèves, qui sont un frein à leur réussite non seulement scolaire, mais aussi professionnelle, donc à leur insertion socioprofessionnelle pour le développement du pays. Et l’UNESCO a bien relevé leurs conséquences, d’autant plus cet organisme international précise que chaque année de scolarité supplémentaire augmente le produit intérieur brut (PIB) d’un pays en moyenne de 0,37 %. A l’inverse, des scolarités prématurément interrompues compromettent l’atteinte des OMD, en particulier de l’OMD 1 d’élimination de l’extrême pauvreté et de la faim, et l’OMD 3 d’autonomisation, notamment économique des femmes.
Monsieur le Gouverneur,
Monsieur l’Inspecteur d’Académie !
Les élèves réussissent mieux s’ils apprennent dans un climat scolaire où leur sécurité se doit d’être l’œuvre de tous, de leurs parents, de leurs enseignants et de leurs condisciples, c’est-à-dire dans un climat social et intellectuel favorable à leur épanouissement. En effet, comme le dit la Sous-Directrice adjointe pour l’éducation (Gestion du Programme) de l’UNESCO, lors de la réunion d’experts tenue à Paris du 27 au 29 juin 2007, autour du thème de réflexion, « En finir avec la violence à l’école. Quelles solutions ? » : « L’éducation n’est pas seulement l’acquisition de connaissances, mais comprend aussi, apprendre à savoir, apprendre à être, apprendre à faire et apprendre à vivre ensemble. L’éducation doit donc être considérée de manière holistique, étant donné que les écoles jouent aujourd’hui un rôle crucial dans le développement global des enfants ». Une façon de dire que si nous voulons une école de qualité où l’excellence ne sera pas un vain mot, nous devons offrir à nos élèves un environnement de paix, de tolérance, en un mot un environnement où ils se sentiront en confiance, autrement dit à l’abri de toutes les formes de violences.
Cet environnement, par rapport aux problèmes que nous avons soulignés, n’est possible que si nous envisageons des solutions comme :
– le renforcement du système de protection national des enfants en droite ligne avec la Convention des droits de l’enfant et les observations du Comité des droits de l’enfant ;
– l’adaptation des textes sur l’interdiction des châtiments corporels dans tous les contextes, la protection des enfants vulnérables, et l’âge du mariage à 18 ans pour la fille, ou tout simplement à un âge qui permette à la communauté qui est la sienne de bénéficier, d’une manière ou d’une autre, de son niveau d’instruction.
– le renforcement de la formation des enseignants, chefs d’établissements et personnels scolaires : par exemple la formation sur la législation scolaire, la morale professionnelle, la gestion d’école et la gestion de classe. Autant de modules qui seraient le prolongement de notre thème, parce qu’ils auraient à rappeler le cadre juridique qui protège les enfants et les sanctions encourues par les uns ou les autres en cas d’abus ;
– la promotion de la gouvernance scolaire de façon participative. Pour dire que le règlement intérieur de l’école, au-delà des élèves, doit être communiqué à tous les parents, y compris par voie orale pour les parents analphabètes. En accordant une place de choix à des valeurs et principes d’inclusion et de non-discrimination, ce règlement se doit de présenter clairement les sanctions liées aux différentes formes de violences, de définir le processus à suivre par les élèves et leur famille en cas de violence par des pairs ou des personnels scolaires, d’exposer les mesures spécifiques visant à encourager et à soutenir les filles dans leur scolarité et leur maintien à l’école, y compris pendant ou après une grossesse ;
– la sensibilisation des chefs traditionnels et religieux, parce que leurs conseils qui sont attendus seraient un appui inestimable dans la promotion d’un environnement éducatif non violent et respectueux de l’enfant ;
– l’engagement des Gouvernements scolaires et du Parlement des Enfants dans des actions de sensibilisation et dans le développement de supports de plaidoyer et d’information accessibles aux enfants ;
– l’implication des médias et des organisations de la société civile, au niveau national, local ou communautaire, car ils ont un rôle de catalyseur et de facilitateur ;
– la prise d’initiative, par le biais des syndicats d’enseignants, dans le sens de la validation et de la dissémination du Code d’éthique et de déontologie professionnelle, en identifiant les droits et les devoirs des enseignants.
Ce sont là quelques idées que nous avons voulu partagées avec vous dans ce discours d’usage.
Je vous remercie pour votre aimable attention !
Séckou BIAYE, Professeur de français au Lycée Technique Industriel et Minier Mamba GUIRASSY
bdiallo@kmayoo.com
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